Par Olivier Maloteaux

seabiscuit

Un cheval, trois hommes, une légende...

L’histoire de Seabiscuit est indissociable de celles des trois hommes qui l’ont accompagné durant sa carrière. Ce quatuor hétéroclite, au départ voué à l’échec, a pris une belle revanche sur la vie...

Par Olivier Maloteau

seabiscuit

Un cheval, trois hommes, une légende...

L’histoire de Seabiscuit est indissociable de celles des trois hommes qui l’ont accompagné durant sa carrière. Ce quatuor hétéroclite, au départ voué à l’échec, a pris une belle revanche sur la vie...

Seabiscuit

On ne lui prédisait pourtant pas un grand destin... C'était un petit cheval, accusant seulement 1,52 m sous la toise. Un étalon hargneux aux antérieurs cagneux, né dans le Kentucky en 1933, au cœur de la grande dépression qui frappait alors l’Amérique. Certes, l’animal était issu d’une belle lignée : c’était le petit-fils du célèbre Man O'War, maintes fois victorieux dans les années 20.

Mais dans sa jeunesse, Seabiscuit se fit surtout remarquer par son apathie. Il courrait les champs de course sans s’y imposer. Personne ne voulait de lui. À tel point que son propriétaire eut du mal à le vendre. Le nouvel acquéreur et son entourage en firent pourtant un gagnant. Et même une légende...

Seabiscuit

... Seabiscuit imprima son nom en haut des tableaux de tous les grands champs de course...

Le riche propriétaire

La nouvelle famille d’accueil de Seabiscuit cachait de profondes cicatrices. Charles Howard, son nouveau propriétaire, était un homme d’affaires qui fut en quelque sorte victime de son succès. Arrivé en Californie en 1903 avec 21 cents en poche, il commença par réparer des vélos avant de miser sur l’automobile naissante. Mais ses Buick d’exposition prenaient la poussière dans leur vitrine... Jusqu’à ce qu’un fameux tremblement de terre secoue San Francisco, en 1906. Alors que les chevaux effrayés par les incendies rechignaient à secourir les citoyens de la ville écrasée, les voitures d’Howard furent transformées en ambulance.

Une belle publicité pour l’automobile. Les voitures se vendirent alors par milliers et firent la richesse d’Howard. Mais, ironie du sort, c’est aussi sur un engin motorisé que le fils d’Howard perdit la vie quelques années plus tard, dans un accident de tracteur au cœur du ranch familial... Pour panser ses plaies sentimentales, le riche entrepreneur décida d’abandonner l’objet de son succès pour se consacrer aux chevaux de chair et de sang.

Seabiscuit
Seabiscuit
Charles Howard & Johnny “Red” Pollard, “the Yonkers Handicap”, Empire City Track, New York, 1937.

L’entraîneur mystérieux

Charles Howard acheta Seabiscuit en 1936, pour un prix de 8.000 $, une somme très élevée à l’époque. Surtout pour un cheval peu étincelant... Cet achat risqué fut dicté par Tom Smith, qui entrainait alors les chevaux d’Howard. Smith avait observé Seabiscuit en course et avait détecté en lui un grand potentiel. L’entraîneur était un personnage taiseux et mystérieux, mais qui avait l’art de parler à l’oreille des chevaux. Il se dit même que lorsque Seabiscuit rencontra Smith pour la première fois, il hocha la tête comme pour le saluer. Cela fait bien sûr partie de la légende... Mais un fait est bien réel : l’histoire a prouvé qu’Howard eut raison de faire confiance au jugement de Smith !

Le cavalier borgne

Pour mener Seabiscuit, Howard a misé sur un drôle de cavalier, nommé Johnny Pollard et surnommé « Red » en raison de sa couleur de cheveux. Forcé à vivre de la débrouille dans une Amérique en crise, Pollard gagnait sa croûte tour à tour comme boxeur et comme jockey, malgré son assez grande taille. Mais à force de tenter de dominer des chevaux capricieux, Pollard a perdu un œil. Il a toujours cherché à masquer cette infirmité pour ne pas se faire chasser des champs de course. Son penchant pour la boisson passait par contre moins inaperçu... Désœuvré, Pollard ne croyait plus en l’avenir lorsque le destin lui fit une fleur, en le mettant sur la route de Smith, qui cherchait un jockey téméraire pour dompter Seabiscuit. La légende prétend que lors de la première rencontre entre l’homme et l’animal, le cheval aurait délicatement posé sa tête sur l’épaule de son futur jockey, comme pour signifier qu’il l’avait adopté...

Seabiscuit

Le cheval de rêve

Le cheval et son improbable trio humain ont très vite gagné les courses haut la main. Les victoires succédèrent aux victoires et Seabiscuit imprima son nom en haut des tableaux de tous les grands champs de course. Restait à le mesurer à l’autre cheval le plus en vue à l’époque : War Admiral. Le duel eut lieu le 1er novembre 1938, sur l'hippodrome de Pimlico, à Baltimore. Pollard, victime de chutes à répétition, dut laisser sa selle à son ami George Woolf. Quant au public, il vint en masse : plus de 40.000 personnes se pressèrent dans les tribunes pour assister au combat des chefs, pendant que des dizaines de milliers d’autres suivaient la course dans leur salon, l’oreille collée au transistor.

Les deux chevaux abordèrent le premier virage crinière contre crinière. Mais au bout de la dernière ligne droite, War Admiral, pourtant favori, passa la ligne d’arrivée quatre longueurs derrière le fabuleux Seabiscuit... En 1940, Red Pollard, remis sur pied, grimpa à nouveau sur le dos de son cheval fétiche. Seabiscuit et son jockey retrouvèrent vite le chemin du succès, en remportant notamment la fameuse course Santa Anita Handicap, devant près de 80.000 personnes venues acclamer Seabiscuit.

Ce fut sa dernière course. Le cheval prit alors sa retraite dans le Ridgewood Ranch de Charles Howard, en Californie. Au matin du 17 mai 1947, Marcela, la femme de Charles, appela son mari d’un cri. Seabiscuit venait de s’éteindre, à l’âge de 14 ans. L’homme enterra discrètement son cheval dans la propriété et planta un chêne à l’endroit de sa tombe. Un lieu qu’il a tenu secret, emportant ainsi avec lui le souvenir de ce cheval légendaire, au destin aussi tumultueux qu’extraordinaire. Un cheval dont les fées s’étaient certainement un jour penchées sur la litière...

Seabiscuit

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